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STABAT MATER, 2018

"Bauprobe" en Salle Lerrant - ENSATT

 

Musique de Pergolèse

Scénographie : Camille Kuntz

Accompagnement à la mise en scène : Ingrid Von Wantoch Rekowski

Lumière : Alice Nedelec

Costumes : Mélodie Cheyrou

Chanteurs : Nicolas Kuntzelmann et Gabrielle Varbétian et musiciens du CNSMD 

"Au delà de l’aspect religieux de la pièce, nous avons souhaité mettre l’accent sur la transcendance suggérée dans la religion. L’homme est en effet sans cesse en recherche de quelque chose qui l’élève et avec la religion chrétienne trouve son extase dans la transcendance divine. La figure de Jésus est précisément ce point d’accroche entre une immanence humaine et une transcendance divine. Sa figure est ambivalente tout comme l’est celle de Marie : mère parmi les mères érigée en sainte. Sa sanctification est le point d’exergue du Stabat Mater. Nous avons alors voulu traiter de cette évolution non linéaire mais transcendantale d’une mère matière à une figure universelle statufiée. Ici le divin, ou quelque chose qui nous dépasse est mis en miroir avec une figure du quotidien. Nous avons alors voulu trouver ce point d’indexation, ce point de rencontre entre la terre et le ciel, entre la matière et l’esprit, entre le quotidien et le sacré. Ce passage de l’horizontalité à  la verticalité est l’axe qui a articulé notre réflexion tant scénographique et costumistique et lumiéristique.
 

Partir du quotidien réaliste non pas pour arriver au divin (nous ne proposons pas au public un mode d’emploi pour la sanctification) mais pour mettre en lumière la sacralité du trivial, la limite poreuse entre une action triviale et un rituel, telles ont été les recherches de notre proposition. La figure de la mère est une entité qui nous a également questionnée. Effectivement elle est au centre du Stabat Mater. Il n’est donc pas anodin que le mot « mère » ait une racine étymologique signifiant « bois dur ». Une confrontation s’effectue ici entre la mère donnant la vie et la croix en bois la retirant à Jésus. Cependant, en donnant le droit de vie, la mère ne soutient-elle pas une potentielle mise à mort inévitable de son enfant ? Cette ambivalence d’une figure type a été au cœur de notre réflexion. 

 

La douleur de cette mère est perceptible dans la pièce, autant que l’est celle de son fils, de sa chair qu’on lui arrache. Ce mouvement de violence n’est pas sans rappeler l’accouchement de cette mère qui s’est vu enlever de ses entrailles ce fils qu’elle a vu grandir. La violence est donc double dans cette nouvelle séparation du couple mère/fils. De plus, le temps de crucifixion de Jésus rappelle la durée d’un accouchement. La question du temps et de la simultanéité a alors été soulevée et renforcée par l’avantage de la musique offrant une durée fixe. Le cri de douleur de Jésus expirant sonne le début du christianisme, de ce regroupement d’individus. On passe alors d’unité à entité. Le cri de douleur de Marie perdant les eaux puis accouchant en lien avec la musique suggérant la perte de son fils se devait alors de sonner le glas permettant aux individus devenir communauté. Ainsi, lorsque Marie accouche, son hurlement silencieux suggéré par la musique est comme une invitation à la foule de la rejoindre. Un seul cri résonne dans la musique : celui d’une naissance et d’une mort. S’offre ici à la vue du spectateur deux lieux distincts. D’une part, un lieu reprenant tous les codes d’une cuisine réelle dans laquelle évolue Marie et d’un autre un lieu non déterminé scénographiquement liée à la foule. Cette cuisine, véritable lieu de vie et de rassemblement n’est pas sans rappeler celle des lieux sacrés. Ainsi, pour y accéder, un véritable rituel doit être mis en place similaire à l’arrivée chez une personne (où les chaussures sont retirées) et l’arrivée dans un lieu de culte (comme une Eglise où un bénitier est posée à l’entrée).Les deux lieux scéniques semblent être deux espaces temps différents dans lesquels évoluent deux histoires qui ne semblent pas connecter et qui suite à la douleur de marie se recouperont pour ne former plus qu’une. Cette foule est guidée par deux « maîtres de conscience » qui poussent les hommes à rejoindre le lieu sacré qu’est la cuisine. Leur mission n’est que temporaire et une fois les deux entités de la foule et de Marie connectée, ils se sépareront du groupe qu’ils ont crée. Leur départ questionne alors leur réalité. Ce chant était-il réel ou seulement dans l’imaginaire de Marie folle de douleur ?

 

La volonté était ici de créer un lieu poreux entre une pièce triviale bien qu’ayant des perspectives théâtrales affirmées et une zone sacrée. Cette cuisine rassemble les familles et ici rassemble les foules tout comme la grossesse de Marie. Une connexion se crée de base entre cette figure et le lieu qu’elle occupe et habite."

Mélodie Cheyrou

https://www.quadriennaledeprague2019.fr/journaldebord/stabat-mater-a-l-ensatt 

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